Une histoire de l’Espagne.

Je viens de m’acheter et de lire un nouveau livre sur l’histoire espagnole : Una historia de España, de l’écrivain et romancier Arturo Perez-Reverte.

http://www.perezreverte.com/articulo/patentes-corso/754/una-historia-de-espana-i/

Il s’agit d’un recueil d’articles, ou de chapitres, qui ont été publiés d’abord dans un journal espagnol, XL Semanal, et qui ont connu un grand succès.

C’est un livre très intéressant pour plusieurs raisons. D’abord, il confirme que désormais l’histoire lue par le grand public n’est plus rédigée par les historien-ne-s du monde académique, mais est l’œuvre de journalistes (en partie) et apparaît dans les romans, les séries de télé, sur Internet et réseaux sociaux.

Le livre est écrit dans un style brillant, avec une grande maîtrise du langage, sur un ton ironique – parfois un peu acide – et amusant, comme les grands auteur-e-s espagnol-e-s savent le faire depuis Cervantes – et peut-être déjà avant – jusqu’à Vasquez Montalban, Eduardo Mendoza ou Alicia Gimenez-Bartlett.

De ce point de vue, c’est un exercice remarquable, qui permet de lire de l’histoire sans grand effort et surtout sans s’ennuyer.

Du point de vue du contenu, le livre est assez surprenant pour un lecteur suisse, puisqu’il propose une version un peu personnalisée de la vieille légende noire espagnole. En résumant un peu, l’image proposée par Perez-Reverte est très sombre : un pays inculte, arriéré, régi par une Église bigote et aveugle, par des rois la plupart du temps incompétents, corrompus, coureurs de jupons et fils de pute (sic : hijos de puta), par des politiciens intéressés et irresponsables, avec une armée toujours prête à se mêler des questions politiques et encline à entrainer le pays dans le désastre…

Un pays divisé où chacun est rongé par l’envie de son voisin et n’attend que la bonne occasion pour lui nuire ; un pays donc tendant aux divisions, aux luttes intestines et à la violence ; une tendance qui a engendré toute une série de guerres civiles.

Bon, au fil des pages, cette image sombre devient un peu lourde : le concept d’inculture et l’obsession du retard se répètent dans les chapitres. En lisant le livre, j’ai parfois l’impression de me retrouver dans un petit village de montagne, retranché autour d’une église médiévale mal éclairée, où tout le monde est prêt à me tirer dessus dès que je sors de ma chambre, alors qu’en regardant autour de moi je vois une ville paisible, tranquille, avec un bon niveau de vie, des gens aimables, une vie sociale et culturelle vivante… Cela, bien sûr, malgré les difficultés certaines des groupes défavorisés.

Le problème consiste en partie dans le mythe qui angoisse beaucoup d’intellectuels du sud – et du nord également, bien que d’une façon différente : le mythe de l’Europe et de la modernité.

Il semblerait que l’Espagne ait toujours été dans l’obscurité totale, alors que depuis toujours « l’Europe » évoluait vers le progrès – mot qui apparait d’innombrables fois dans le livre de Perez –, vers le futur, la modernité, la raison, les Lumières, le bien-être et la paix, la culture…

 

J’ai l’impression que ce mythe représente un obstacle sérieux à la résolution de beaucoup de problèmes. Un exemple est la discussion actuelle sur l’autonomie de la Catalogne. En lisant les journaux espagnols, on a l’impression que les politcien-ne-s et en partie les intellectel-le-s espagnol-e-s soient incapables de concevoir un État qui ne soit pas centraliste – sur un modèle français présumé – ou morcelé, voire une somme d’entités indépendantes.

Loyauté absolue à l’État central ou trahison, donc. Selon Perez-Reverte, la centralisation nationale serait un processus inéluctable sur la voie de la modernité « européenne », malgré la diversité évidente des modèles existants. Mais quelle centralisation ? Et quel degré d’autonomie régionale ?

De façon similaire, beaucoup d’intellectuel-le-s du sud restent subjugués par le traumatisme du « retard » par rapport à « l’Europe », au lieu de réfléchir sur d’autres modèles de développement qui tiennent en compte les ressources et les richesses particulières de chaque région.

Mis à part cela, le livre de Perez-Reverte reste un exercice fascinant en tant qu’effort d’écrire une histoire nationale dans des termes compréhensibles pour tout le monde et sur un ton amusant. Il faudrait l’essayer pour la Suisse.

« Familialisme (a)moral » et « caïnisme ».

Une difficulté persistante des pays du sud semble coïncider avec le morcellement de la société, la fréquence des divisions, des conflits intérieurs et l’incapacité d’organiser un consensus autour de projets communs de grande envergure.

En Italie on parle du concept de « familialisme amoral » (amoral familism), à savoir une société dans laquelle le sens moral reste limité à la famille, au groupe des proches ou aux « amis », conçus comme un réseau fondamentalement en concurrence ou en conflit avec le reste de la société. C’est un concept un peu simpliste, mais intéressant, comme j’ai essayé de le montrer dans le chapitre « Réflexions » de ce blog. En principe on devrait parler de familialisme moral, comme forme particulière de moralité et de conception du bien collectif.

En Espagne, la famille semble jouer un rôle un peu moins important qu’en Italie, mais les intellectuels – tels Arturo Perez Reverte (v. article suivant) – parlent de « Caïnisme » : dans le sens de l’envie que chacun témoigne envers ses voisins ou envers les personnes plus fortunées. Selon Perez, qui cite d’autres auteurs, le but des espagnols ce n’est pas d’égaler les voisins plus fortunés, mais de les combattre, afin que ces derniers ne soient pas plus heureux que les autres.

L’image proposée est celle d’une société morcelée en groupes locaux luttant entre eux et toujours prêts à sortir les armes pour se combattre – avec un niveau de violence clairement supérieur à l’Italie.

Une image utilisée par exemple par le poète Antonio Machado, au début du XXe siècle. (https://www.researchgate.net/publication/279914839_Campos_de_Castilla_Una_mirada_Cainitica_sobre_Espana),

et qui se retrouve dans un dessein Francisco de Goya y Lucientes, el “Duelo a garrotazos” de la série des “peintures noires”: https://es.wikipedia.org/wiki/Duelo_a_garrotazos

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8c/Francisco_de_Goya_y_Lucientes_-_Duelo_a_garrotazos.jpg

 

Les deux paysans espagnols s’enlisent dans la boue, mais ils continuent de se donner des coups, sans pardon, avec leurs bâtons.

Le problème est lié au rapport des gens du peuple à l’Etat. Ni l’Italie ni l’Espagne n’ont connu beaucoup de gouvernements qui se sont réellement préoccupés des conditions de vie de la majorité de leurs sujets, ou des citoyen-ne-s, ce qui n’a pas encouragé l’émergence d’une conception plus large du bien public. L’Etat reste quelque chose en-dessus des « sujets »-citoyen-ne-s, et ces-dernier-ère-s se débrouillent comme il peuvent dans l’optique du « chacun pour soi ». Ou pour leur famille, ou leur groupe… : quelque chose de ce genre.

 

Sofia y la Comarca de la Cascaruja

Ich war am Mittwoch an einer Vorstellung meiner Spanisch-Lehrerin, Sofia, die auch eine geniale Geschichtenerzählerin ist. Sie erzählt und interpretiert phantastische Geschichten von Frauen, Leidenschaft und Begehren in einer verlorenen und etwas trockenen Grafschaft – die zauberhafte Cascaruja – mitten in der Mancha. Ein Erlebnis!

 

https://www.facebook.com/events/529468420877783/

https://drive.google.com/file/d/1kFXMOI6HY4nrX7WCOpli0H6YPmoLPYj2/view

Cuenca

Cuenca, eine mittelalterliche Stadt zwischen Albacete und Madrid, ist eine echte Entdeckung.

Die Altstadt

 

Cuenca ist an der Hochgeschwindigkeits-Eisenbahnlinie Madrid-Alicante angeschlossen. Der supermoderne Bahnhof liegt aber etwa 7 km ausserhalb der Stadt.

 

Ein Bahnhof ohne Uhr, für einen Schweizer etwas befremdlich

In einer Stunde könnte man also von Cuenca nach Madrid gelangen. Die Verbindung zur Stadt ist aber leider denkbar schlecht: ein kleiner Bus alle halbe Stunden, einer alle Stunden am Sonntag. Eine verpasste Chance für die Stadt, die laut Taxifahrer wirtschaftlich vor sich hin darbt.

Aber eben: wahnsinnig schön.

 

Und zum Schluss die Hängenden Häuser, las Casas Colgadas. Darin befindet sich ein kleines aber sehr feines Museum für abstrakte Kunst. Ein Erlebnis! Eine der schönsten kleinen Museen, die ich gesehen habe.

https://www.march.es/arte/cuenca/

8.03.

Am 8. März habe ich in Albacete an der Demo zum Frauentag teilgenommen. Ich war sehr überrascht, wie viele Leute da waren, Frauen und Männer, oft auch Familien mit Kinder.

Am nächsten Tag konnte man in den Zeitungen lesen, dass in Spanien die Teilnahme am 8. März in den letzten Jahren ausserordentlich gross ist. 350’000 Leute in Madrid, 250’000 in Barcelona dieses Jahr, nach offiziellen Schätzungen. Nirgends – so scheint es – sei der Erfolg des Frauentags so gross. Nur in Argentinien sei die Teilnahme einigermassen vergleichbar. In der Tat wird auch in den Medien viel über Gender-Themen diskutiert und gestritten: es scheint, ein sehr aktuelles Thema zu sein. Wahrscheinlich weil die Gesellschaft in dieser Hinsicht sehr gespalten ist: einer starken feministischen Bewegung steht ein traditionalistisches, katholisch konservatives Lager gegenüber. Die Rechtsbewegung Vox will z.B. die Abtreibung verbieten.

Ich vermute, dass unter dem Franco-Regime, mit seiner Armee-Familie- und Kirchenideologie nötige Veränderungen hinausgezögert oder verhindert wurden, die in der folgenden Zeit nur zum Teil vollzogen wurden; so haben sich auch unter der Konservativen Regierung von Mariano (!) Rajoi einige Probleme angestaut. (Mariano könnte man mit Anhänger Marias übersetzen – Nomen ist manchmal Omen)

Ein grosses Problem hier in Spanien ist die allgegenwärtige Prekarität, die v.a. die Frauen betrifft. In keinem Land werden so viel kurzfristige Arbeitsverträge geschlossen wie in Spanien (gefolgt von Griechenland und Italien). Die Arbeitslosenquote ist zwar gesunken, aber nur zum Preis einer grossen Unsicherheit in der Arbeitswelt. Dass trifft die Frauen am Arbeitsmarkt sehr direkt. Auch die Lohnunterschiede sind weiterhin sehr gross – im Verhältnis 77:100 laut der Tageszeitung « El Pais ».