L’analyse conjointe des fluctuations des communautés algales et des concentrations d’herbicides du Léman montrent que l’effet cocktail joue un rôle dans la composition des espèces du phytoplancton.
Dans sa thèse, Vincent Gregorio a cherché à évaluer dans quelle mesure les prédictions de risque des mélanges d’herbicides pouvaient expliquer les changements d’abondance du phytoplancton dans le Léman, en comparaison avec d’autres paramètres classiques comme les variations de phosphore ou de température. Ces analyses ont été possibles grâce au suivi à long-terme du lac Léman par la Commission International pour la Protection des Eaux du Léman (CIPEL) et l’INRA de Thonon.
Pour atteindre ce but, Vincent a dans un premier temps calculé le gradient de toxicité du mélange de 14 herbicides régulièrement détectés dans le Léman. Bonne nouvelle, ce gradient diminue constamment de 2004 à 2009. La question était alors de savoir si cette diminution avait une répercussion sur la flore du lac, connue pour être très sensible aux herbicides.
Pour répondre à cette question, les variations des données physico-chimiques, incluant le gradient de toxicité, ont été comparées avec les changements d’abondances relatives par année des espèces phytoplanctoniques, sur la période 2004-2009, ceci a l’aide d’une analyse partielle de redondance. Celle-ci a permis de montrer notamment que le gradient d’herbicide explique 6% de la variation du phytoplancton, de manière significative. On peut en conclure que la toxicité du mélange d’herbicides est un facteur clé pour expliquer les changements d’abondance du phytoplancton dans le Léman.
Grâce à l’analyse partielle avec l’étude de corrélation du gradient de toxicité sur les résidus d’abondances relatives des espèces, après avoir « ôter » l’effet des facteurs confondants, il a été possible de mettre en avant les espèces qui auraient pu être influencées positivement ou négativement par l’évolution sur cette période de la toxicité du mélange. Ainsi sur plus d’une centaine d’espèce surveillée au milieu du lac, une vingtaine présente un changement dans leur abondance relative par année, statistiquement significatif, lié au gradient de toxicité. L’espèce Chlorella vulgaris a montré par exemple une tendance à augmenter en abondance relative dans la communauté avec la diminution de la toxicité du mélange d’herbicide, alors que l’espèce Fragilaria crotonensis semble plus tolérante dans l’écosystème, avec une augmentation lorsque la toxicité devenait plus forte.
Pour en savoir plus:
Gregorio V, Büchi L, Anneville O, Rimet F, Bouchez A, Chèvre N. Risk of herbicide mixtures as a key parameter to explain phytoplankton fluctuation in a great lake: the case of Lake Geneva, Switzerland. Ecotoxicology. Available on-line.